Adeptes de sports connectés, vous avez peut-être entendu parler de la récente affaire impliquant les sociétés Strava et Garmin. Peut-être même que vous détenez vous-mêmes un appareil Garmin et/ou l’application Strava. 

Ces deux géants du sport connecté, pourtant régulièrement partenaires, ont récemment fait couler beaucoup d’encre lorsque Strava a engagé une action en contrefaçon de brevets contre Garmin et en exigeant le retrait des montres/compteurs GPS de Garmin du marché américain.

Sans trop entrer dans les détails juridiques, nous allons ici exposer les faits sur le déroulement de cette affaire qui s’est achevée aussi vite qu’elle est arrivée !

Fondements de la plainte déposée par Strava fin septembre 2025

L’action de Strava s’est fondée sur les trois brevets suivants :

1 - Le brevet US9116922 déposé le 31 mars 2011.

Ce brevet couvre la technologie de définition et de mise en place des segments, bien connu des utilisateurs de l’application Strava.

Pour les néophytes, un segment Strava peut être défini comme un tronçon de parcours transformé en défi chronométré et social sur l’application Strava. Dès que vous empruntez le segment correspondant, votre temps de parcours vous permet de comparer votre performance à celle des autres sportifs ayant emprunté le même segment. Il s’agit souvent d’une montée, d’un tour de lac, d’une portion spécifique d’un itinéraire, etc. L’athlète le plus rapide sur le segment détient le titre honorifique de KOM (King Of Mountain) et l’athlète ayant parcouru le plus de fois le segment au cours des 90 derniers jours détient le titre de « Local Legend » !

Les segments Strava de running autour de Toulouse

Le brevet susmentionné concerne un procédé permettant de définir un segment via GPS, de créer une ligne de départ virtuelle et de détecter si une activité sportive correspond effectivement à ce segment.

La finalité technique est ici de corriger l’imprécision GPS par extrapolations basées sur des données de performance utilisateur telles que la fréquence cardiaque, la vitesse, le temps, la puissance.

2 - le brevet US9297651 déposé le 9 décembre 2014, sous priorité d’une demande provisoire du 11 décembre 2013.

Ce brevet couvre la méthode de génération de cartes de préférence d’activité utilisateur (plus connue sous la dénomination de Heatmaps) et de détermination d’itinéraires suggérés basés sur ces données.

Une « Heatmap » est une carte géographique présentant les lieux et parcours où les utilisateurs de l’application s’entraînent le plus. Une « heatmap » comprend en général un code couleur dont l’intensité est proportionnelle à la fréquentation du parcours.

Heatmap de running de la semaine du 24 novembre au 30 novembre 2025 autour de Toulouse

La finalité technique est ici de convertir et compiler des données GPS hétérogènes en une carte enrichie de préférences collectives afin de générer des itinéraires pertinents pour les utilisateurs.

3 - Le brevet US9778053 qui est une « continuation application » du brevet US9297651 cité au point précédent.

Une "continuation application" est une demande de brevet qui reprend la même description que la demande antérieure, mais avec des revendications différentes.

Ce brevet couvre donc également une invention portant sur les « heatmaps ».

Validité des brevets, retrait de la plainte, enjeux et stratégie présumée

En tant que lecture régulier de notre blog, vous savez que pour qu’un brevet soit valide, l’invention sous-jacente doit être nouvelle et impliquer une activité inventive.

Garmin a effectué une mise à jour de son application Garmin connect début 2013 soit avant la date de priorité des brevets Strava relatifs aux Heatmaps (US9778053 et US9297651).

C’est effectivement à partir de ce moment là que l’ensemble des utilisateurs Garmin ont pu utiliser des heatmaps via l’interface Garmin.

Il est donc raisonnable de penser que les « heatmaps » de Strava visés dans les brevets susmentionnés ne remplissent pas le critère de nouveauté requis pour qu’un brevet soit délivré.

C’est probablement l’argument avancé par Garmin dans la mesure où Strava a retiré sa plainte moins d’un mois après son dépôt en Octobre 2025.

En effet, en continuant à mener cette action face à Garmin, un juge aurait pu déclarer les brevets Heatmaps de Strava comme non valides et Strava aurait pu perdre un actif majeur de son application.

En outre, Garmin détient également des brevets portant sur des technologies proches.

Il est donc fort probable que les deux parties aient finalisé un accord, renforçant leur partenariat commercial, tout en permettant à chaque partie de conserver ses actifs en vigueur.

Cela illustre une fois de plus la célèbre phrase de Balzac selon laquelle " un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès ".

Il n’est d’ailleurs pas évident que l’accord entre Garmin et Strava résultant de cette procédure avortée soit si mauvais que cela pour les deux parties.

Conclusion

En déposant des brevets, Strava et Garmin ont transformé leurs technologies en des actifs qui se sont également avérés être de bons outils de dissuasion et des facilitateurs d’accords commerciaux.

L'accord commercial de 2015, qui encadre l'utilisation des données Strava par Garmin, tirait son poids de la propriété industrielle et de la menace d'une plainte permettant de contraindre le respect des termes contractuels.

L'action en justice ne visait donc pas forcément à rompre les relations, mais constituait probablement une arme de renégociation visant à sécuriser la pérennité des relations commerciales et à protéger son API, un élément central de Strava face au modèle matériel de Garmin.

Le retrait de l’action permet en outre de préserver la valeur des actifs de Strava, dans un contexte où Strava envisage une introduction en Bourse…

Retrouvez tous nos articles sur la propriété intellectuelle sur notre blog #IPBoardingPass 

Sources :

https://www.dcrainmaker.com/2025/10/strava-sues-garmin-demands-stop-selling-devices.html

https://www.courtlistener.com/docket/71506967/strava-inc-v-garmin-ltd/