Si l’activité inventive est un critère de brevetabilité bien établi depuis longtemps aux côtés de la nouveauté et de l’application industrielle, il fait particulièrement parler de lui en France depuis l’instauration, courant 2020, de différentes mesures de la loi Pacte concernant les brevets.
Pour rappel, parmi les différentes mesures mises en place :
l'allongement de la durée du certificat d’utilité de 6 à 10 ans (déjà discuté ici) et la possibilité de transformer une demande de certificat d’utilité en demande de brevet sous certaines conditions, afin de rendre plus attractif le certificat d’utilité ;
création d’une demande provisoire de brevet, permettant de prendre date en amont avec un contenu simplifié, en attendant une régularisation ;
création de la procédure d’opposition au brevet, pour tout brevet délivré depuis le 1e avril 2020 ;
renforcement de la procédure d’examen des demandes de brevet, en prenant en compte le critère d’activité inventive.
Cette dernière mesure entraîne un grand changement dans les procédures de délivrance en France. Elle s’applique à toute demande de brevet français déposée depuis le 22 mai 2020.
Le critère d’activité inventive était déjà une condition de brevetabilité qui pouvait notamment être soulevée en litige pour examiner la validité d’un brevet. Toutefois, l’INPI, comme d’autres offices de brevet dans le monde, n’examinait pas ce critère au cours de l’examen. Seule la nouveauté était prise en compte.
Est nouvelle une invention qui n’est pas comprise dans l’état de la technique, ce qui signifie que la moindre différence technique de l’invention revendiquée avec chaque document de l’état de la technique considéré individuellement suffit à remplir le critère de nouveauté.
L’activité inventive est définie, aux termes de l’article L611-14 du Code de la Propriété Intellectuelle, de la manière suivante :
« Une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d'une manière évidente de l'état de la technique. […] »
Il convient de noter que ce critère d’activité inventive et cette notion d’évidence sont des références juridiques qui ne traduisent pas la difficulté de mise au point d’une invention.
Une invention ayant nécessité beaucoup de temps et de ressources pourrait être considérée comme n’impliquant pas d’activité inventive car un art antérieur très proche aurait été détecté, alors qu’une invention venue spontanément à l’esprit sans étude ou recherche pourrait impliquer une activité inventive car aucun art antérieur proche ne serait décelé.
La notion d’évidence se retrouve dans d’autres pays, notamment aux États-Unis où le critère n’est pas appelé « activité inventive » mais « non-évidence » (non-obviousness).
L’activité inventive est donc bien définie dans la loi. Mais l’évidence, ce n’est pas évident à définir !
En effet, ce critère est parfois vu comme subjectif, relevant d’une interprétation de chacun en fonction de l’état de la technique et de ses connaissances personnelles. Pour pallier cette subjectivité, l’Office Européen des Brevets a mis en place une méthode qui a été reprise en France et qui se veut plus objective : l’approche problème-solution.
L’objectif est de déterminer si une personne du métier, au vu de l’état de la technique, était incité à mettre en œuvre l’invention, par exemple par modification évidente d’un document proche ou par combinaison de documents, ces modifications ou cette combinaison étant à la portée de la personne du métier qui connait le domaine technique considéré.
L’approche problème-solution comporte les cinq étapes suivantes :
déterminer le document de l’état de la technique le plus proche de l’invention,
relever les caractéristiques techniques distinctives entre l’état de la technique le plus proche et l’invention,
définir l’effet technique de ces caractéristiques techniques distinctives,
établir le problème technique objectif sous-jacent,
déterminer si la solution au problème technique objectif, en partant de l’état de la technique le plus proche, était évidente pour l’homme du métier au vu de l’état de la technique à sa disposition.
En simplifié, votre invention possède une différence avec un premier document, cette différence a un effet technique permettant d’établir un problème technique qui est résolu par votre invention et dont la solution n’est pas décrite ou évoqué dans ce premier document ou un autre document : votre invention implique une activité inventive.
Si un autre document incitait à effectuer une modification du premier document pour offrir une solution technique au problème technique, le critère d’activité inventive peut être considéré comme non atteint.
En pratique, cette étude d’activité inventive reste tout de même complexe et sera mise en œuvre par les Conseils en Propriété Industrielle et les examinateurs des offices sur la base d’un long historique de procédures et d’une multitude de jurisprudence venant préciser les contours de son application. C’est souvent le critère qui engendre le plus de discussions au cours d’un examen.
Ce qu’il faut savoir, c’est que même si le critère d’activité inventive n’était pas examiné dans la procédure française, votre Conseil en Propriété Industrielle prenait déjà en compte ce critère d’activité inventive dans les études de brevetabilité, la rédaction des demandes de brevet et l’analyse des rapports de recherche préliminaires : d’une part car ce critère est inhérent à la validité intrinsèque de votre titre et d’autre part car ce critère était déjà examiné dans les procédures à l’international, notamment en Europe auprès de l’Office Européen des brevets.
En résumé, avec cette nouvelle loi :
ce qui ne change pas : votre Conseil en Propriété Industrielle prend en compte l’activité inventive et vous conseille à ce sujet à tous les stades de la procédure, comme il le faisait déjà pour s’assurer de la qualité de votre protection en France et à l’international ;
ce qui change : le critère d’activité inventive est désormais examiné par l’INPI, ce qui pourrait engendrer des délais et difficultés supplémentaires pour atteindre la délivrance et/ou nécessiter de restreindre la portée de protection de votre invention pour franchir ce nouveau cap dès l’examen.
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